A vous la parole

Le but de cette page est de proposer un lieu d’expression pour les personnes concernées par le trouble de la personnalité borderline, où qu’elles soient. 

Vous pouvez nous laisser votre texte sur le trouble (prose, poésie, etc.) en commentaire et nous le publierons s’il respecte les règles de modération suivantes : 

  • pas de propos oppressifs (sexiste, homophobe, transphobe, psychophobe, etc. – cette liste est non exhaustive)
  • pas de mention explicite de lieux de soin ou de noms de personnes 
  • ceci n’est pas le lieu pour contacter l’ABE, pour ce faire, vous pouvez vous rendre sur cette page : Nous contacter

Vos textes

Certains de ces textes sont également des productions de nos ateliers d’écriture, publiés avec l’accord de leurs auteurices.

Colère

Tu me fais peur
Je ne sais pas quoi faire de toi
Qu’est-ce que tu veux ?
Tu veux casser, détruire, exploser, ravager, trancher, déchirer…
Tuer.
Tu veux sortir de moi.
Par mes tripes, ma bouche, mes poings, mes yeux, mon sang.
Tu es la destruction.
Pure, intense, puissante…
Totale.
Tu es le mal que je ne sais taire…
Tu es un héritage non désiré.

L’Autre

Je t’aime.
Non attend !
Je sais pas…
Si, je t’aime.
Je crois.
Tu me fais peur.
Oui, je sais, tout me fait peur.
Mais toi, tu me fais oublier ma peur…
Ma peur, mon vide, mon manque.
Dans ta peau, dans tes cheveux… dans tes yeux.
Dis… je peux me fondre en toi ?
Dis-moi, s’il te plait, qui je suis, qui tu pourrais aimer… je suis prête à tout.
Pour toi.

La solitude 

Toi, oui toi ! 
Je sais que tu m’entends, que tu sais que je m’adresse à toi, peu importe la distance qui nous sépare en cet instant. 
Je ne te l’ai jamais avoué mais je t’ai toujours trouvée très séduisante. 
Nous avons passé de nombreux instants enlacés. Tu m’as fait découvrir un plaisir unique, l’inspiration, tes baisers m’offrant des seconds souffles, des pauses, des rêves, du calme et de la sérénité.
 
J’ai également aimé poser mes lèvres sur les tiennes, ce jour où tu m’as empoisonné par ton charme. Celui où tu m’as forcé à garder les yeux ouverts, où tu m’as poussé de si haut. Celui où j’ai été obligé de regarder mes doutes, mes angoisses et mes peurs tranchants se rapprocher, seul. Je n’ai jamais oublié lorsque tu m’as griffé, écorché jusqu’aux larmes, à la colère, sans laisser de côté les crises, les cris sourds, les blessures, les bleus et j’en passe. 
 
Tu te déguises sans cesse et je refuse que cela cesse. 
Je me suis attaché, je te hais mais ma voix muette t’appelle, attendant toujours que tu reviennes. Pour me rassurer en me prenant dans tes bras, entre tes griffes. 
 
Je sais que tu m’entends, j’ai appris à te connaitre, toi, oui toi. Ma Solitude, ma solitude à moi. 

 NT 

Indécision

Indécision, indécision, scission indépendante, excision indélébile, de deux extrêmes, deux vies possibles.

Indécise, indécise était Vénus. Vénus, au volant de sa camionnette floquée « clinique vétérinaire occitane », hésite. L’assistante vétérinaire n’est pas seule à bord. À sa droite – siège passager – Tyson, énorme staff croisé malinois, musculeux, poil ras, mat, l’œil fou, les babines retroussées à chaque secousse de la route. À la gauche de Vénus, sur son épaule, sa propre conscience, diablotine, qui susurre de ne pas tuer. Bonne conscience insolente. Vénus, crispée sur son dilemme, triture le potard de la radio intégrée au véhicule, cherche un fond sonore adéquat. Nouvel à-coup sur le macadam caillouteux. Un dos d’âne mal anticipé, la main de la conductrice dérape – sur un morceau de deathmetal – et renverse la canette Monster énergisante entrouverte sur la fiche de Tyson. Ça brouille, ça efface les derniers mots.
On peut encore, mais vaguement, y lire : « chien mordeur, agressif, pas ok congénère, pas ok enfant, procédure concluante pour euthanasie. »

C’est mort la mort, elle refuse.

Elle décide, en refusant.

Ralentit, braque à fond, recule, rebraque, repart, dans l’autre sens. Tyson échappera à l’eutha.

Merde, maintenant, j’en fais quoi ? qu’elle pense, tout bas, jetant un œil sur le museau moisi de la bête folle et furieuse.

Lola

Le désir

Nigèle, ce drôle de locataire ébouriffé, passe et repasse, en marche rapide, sous le regard exaspéré de son étendoir à linge. Le vieux parquet de l’appartement haussmannien grince et oscille à chacun de ses pas vifs. Cuisine : son café ; non, chambre : son cardigan ; merde, éteindre la plaque de cuisson ; oh putain, fermer la fenêtre ; ma carte Navigo ? Mes clefs ? La porte claque, enfin. Nigèle en chemin, en course poursuite avec le prochain métro. Pas une journée sans arriver en retard au boulot.

Alors, dans ce silence sourd, ce calme étourdissant, l’étendoir à linge, dans le salon, s’ennuie, se languit. Un goût de vide dans ses tubes infinis. Une solitude à en crever. Ses réflexions mélodramatiques sont brutalement – et heureusement – coupées par le retour inattendu et essoufflé (en sueur !) de Nigèle. Le locataire est là, et dépose, en vrac, un fauteuil crapaud, au velours ras et pourpre, contre le mur, aux côtés du tancarville. Nigèle, sur la route, a probablement décidé de recourir au sauvetage de cette merveille de brocanteur des encombrants. Ce dernier repart aussi vite qu’il était revenu.

Le tancarville se penche sur le nouvel arrivant, le jauge, le trouve à son goût. Enfin quelqu’un. Le désir monte déjà. Le fauteuil rougit, s’empourpre davantage, si c’était encore possible, en voyant la structure en acier inoxydable le reluquer avidement. L’étendoir tente une approche, en agitant gracieusement ses deux crochets à ailettes, d’un air fantasque : « Alors, ton petit nom… ? » La réponse timide de l’assise moelleuse et trapue, aux pieds courts, se faisant attendre avec délectation, le tancarville en profite pour se pavaner et étendre ses trois étages rétractables surdimensionnés, tel le paon faisant sa cour. Le pouffe velouté succombe, égaye un prénom au hasard, et sent frémir ses deux petites manchettes au bout des accotoirs.

L’étendoir, entiché à l’extrême, se saisit de l’un des pompons de son nouvel ami, glisse, sur ses roulettes, encore plus près de ce dernier, et chuchote, dans le creux de son dossier, tout le désir qu’il a pour lui.

Lola

Anodes sacrificielles 

Deux enfants s’agitent et s’emmêlent sur la plage, s’entraînent mutuellement en aller-retours hésitants, vers les vagues atlantiques, la source de leurs embruns quotidiens. Comme deux petites anodes sacrificielles qui s’éparpillent, s’érodent, s’effilochent puis se rapprochent, mains dans la main, luttent contre les tempêtes, se perdent.

Le soleil disparaissant, en douceur, derrière l’horizon rose et rouille, nos deux énergumènes retournent tremper leurs petons, puis, tout le reste.

Nuit noire, les planctons se signalent dans le creux des vagues et des algues en courants électriques bleus et blancs.

…une anode sacrificielle est le composant principal d’un système de protection cathodique galvanique utilisé pour protéger les structures métalliques enterrées ou immergées de la corrosion…

C’est Suil, le vieux pêcheur, retapeur de voiliers abandonnés, qui avait, le premier, retrouvé les enfants, en même temps que les anodes sacrificielles du Van de Stadt 1984, voilier en acier interminable, sur lequel il travaillait, dans la zone populairement renommée « le cimetière à bateaux » de la presqu’île. Les deux anodes au bout de ses bras usés, les yeux glissés vers les gamins galopant entre les carcasses éventrées des voiliers morts, il les avait appelés ses anodes à lui, ses petits sacrifiés de la vie.

Impossible de les faire dormir sous un toit, ni même dans le ventre chaud d’une cabine de plage. Les deux chenapans ne se sentaient en sécurité qu’enveloppés ensemble, au milieu des
cages thoraciques des vieilles coques et restes de gréments. À deux, lovés contre le bois râpé et décharné, à regarder les étoiles, et se raconter, à deux. Et personne d’autre.

Lola

Une réflexion sur « A vous la parole »

  1. Raphi

    Le vertige, tomber
    Non non ne t’inquiète pas ça ira
    Se relever
    Le vertige, s’allonger un peu sur sa table
    Le vertige, dormir
    Même à six heures du soir

    Le brouillard

    La fatigue
    Les crises de larmes le soir
    Ou n’importe quand

    Abandon
    Seul
    Mal à la poitrine
    Douleur pour de faux il le sait

    La crise

    Envie de mourir

    Couper

    Parallèle

    N’importe quoi pourvu que ça taille
    Douleur pour de vrai
    Pour une douleur pour de faux
    Elle ne se voit pas
    Je suis donc fou

    Conviction que ça ne pourra jamais être pire
    Ni même mieux
    Qu’il faudrait en finir
    Pour toujours
    Pour tout le monde
    Y parvenir en quelques secondes

    Noir
    Cauchemars

    Émerger
    Café
    Recommencer.

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