Mythes et idées reçues autour du trouble de la personnalité borderline

Semaines d’information sur la santé mentale (SISM) – Rennes – Octobre 2024

Vous pouvez retrouver le support de présentation utilisé lors de cette action ici : ABE_PPT_SISM_2024.

Introduction

Dans le cadre de notre mission d’information et de déstigmatisation des troubles psychiques et, plus particulièrement, du trouble borderline, nous avons choisi d’aborder le thème suivant cette année : les mythes et idées reçues autour du trouble borderline.

Méthodologie

Notre action résulte d’une démarche qui combine témoignages de nos usager·e ·s et synthèse de la littérature scientifique récente sur le sujet.

Nous avons en effet construit un questionnaire afin de récolter les ressentis, conséquences et éventuelles personnes des personnes concernées face à différents mythes sur le TPB.

Echantillon

Voici quelques données socio-démographiques concernant nos répondant·e·s :

Répartition en âge

Répartition en genre

Répartition géographique

Résultats de l’enquête

Voici les pourcentages de personnes de notre échantillon ayant entendu les mythes que nous leur proposions :

Mythes et idée reçuesPourcentage
"Tout le monde est un peu borderline"74 %
"Les comportements d'automutilation ne sont qu'une recherche d'attention"62 %
"Il suffit de prendre sur soi et de se bouger pour aller mieux"62 %
"Le trouble borderline touche davantage les femmes"55 %
"Le diagnostic de TPB n'est pas valide / sérieux"55 %
"Les borderlines sont tous des manipulateurs"45 %
"C'est comme la bipolarité mais en moins grave"45 %
"C'est juste une crise d'adolescence"43 %
"On ne peut pas diagnostiquer le trouble borderline à l'adolescence"40 %
"Les personnes borderline ne pourront jamais aller mieux"29 %
"Les personnes atteintes de TPB sont juste très colériques"21 %

Cependant, cette liste proposée n’étant pas exhaustive, voici d’autres idées reçues auxquelles se sont confronté·e·s nos usager·e ·s :

Si l’on aborde la question des ressentis, sans beaucoup de surprise, ces mythes sont vécus avec beaucoup de violence pour la plupart des personnes.


Certain ·e ·s parlent d’être “frappés par la foudre”,de subir“un coup au coeur”; ces phrases se révèlent extrêmement blessantes pour les personnes qui les entendent.

Elles nous parlent de sentiment d’injustice : “alors que je ne me cache jamais derrière mon trouble, je suis toujours en train de lutter…”, de sentiment de ne pas être aimé tel que l’on est et d’une sensation d’insécurité qui s’installe suite à ces mots. Il en résulte un sentiment d’abattement, de découragement voire d’accablement.

Les émotions rapportées par nos participants sont nombreuses et variées et, la plupart du temps, désagréables. Nous pouvons citer :

  • la colère, voire un sentiment de révolte ou de trahison : “Le fait que des professionnels de santé puissent dire des choses pareilles m’a largement révoltée car ils continuent de valider des propos faux sur le trouble borderline.”
  • la tristesse, profonde, jusqu’au sentiment d’être démunie, désespérée
  • la frustration
  • la honte : “de ne pas être normale”
  • l’humiliation, avec un sentiment d’infantilisation
  • la solitude face à une indifférence face à son mal être
  • et enfin, la culpabilité, car ces mots peuvent être vécus (et sont parfois) des reproches et sont plein d’injonctions comme autant de sentences blessantes :
    • “mes proches me reprochaient de me créer des problèmes”
    • “dépeint comme une personne dangereuse et incapable d’autre chose que d’être un monstre (terme utilisé à mon égard)”
    • “Ca déclenche la voix en moi qui m’insulte et tient ce genre de propos. Ca peut finir en scarifications”

Une majorité des répondants nous a également évoqué un vécu de

    • stigmatisation.

      D’une part parce qu’il s’agit de généralisations dans lesquelles on englobe toutes les personnes touchées par le trouble plutôt que de considérer l’individualité des personnes.

      Les jugements et préjugés s’expriment par les mots mais aussi par des “regards lourds”, pesants.

      Face à leur méconnaissance, leur ignorance du trouble, il y a une incompréhension et les gens s’accrochent à des clichés qui blessent.
      Certains nous disent y être presque résignés comme en témoigne : “je ne suis pas surprise aux vues de la vision globale de la psychiatrie par la société”.

      4/ Une thématique majeure qui ressort également ici est celle de l’invalidation.

      En effet, la souffrance vécue par les personnes borderlines est banalisée, minimisée, voire complètement niée.

      Il y a en premier lieu le sentiment de ne pas être compris ou pris au sérieux dans son ressenti et ce, d’autant plus que la personne lutte pour garder un masque social.

      C’est la double peine. Cela entraîne un tel sentiment d’illégitimité que certaines en viennent à remettre en question leurs émotions et leur mémoire : “je me suis tout inventé”.

      Et il y a comme une interdiction de s’exprimer : “j’ai l’impression de grandir dans un monde où chacun peut donner son ressenti sauf moi”.
      Je voudrais souligner ici que ce vécu d’invalidation est d’autant plus grave et impactant pour les personnes borderlines qu’il constitue un des antécédents reconnus du trouble, par la communauté scientifique. En effet, le TPB prospère dans un environnement familial invalidant où les émotions sont niées, minimisées, non reconnues et donc non régulées…

Slide conséquences
1/ Pour ce qui est des conséquences sur les personnes, la première est le repli sur soi et l’isolement.

Il y a des ruptures de liens, qui peuvent alors entraîner plus de solitude et de mal être.

Ou alors cela peut être un masquage excessif : ne plus parler, ne plus chercher d’aide, cacher ses symptômes le plus possible.

Il y a dans tous les cas un désinvestissement des relations comme le note une répondante : “Je n’ai toujours pas trouvé comment en parler sans générer cela”. On attend plus rien des gens.

Cela nourrit une grande méfiance qui peut être très dure à déconstruire ensuite : “j’ai eu la profonde envie de m’ouvrir à un cercle de personnes qui me sont proches et leur retour à surtout été de décrédibiliser mon ressenti “.

Certaines mentent alors pour éviter les jugements, par peur. C’est vécu comme une interdiction “Je ne peux pas parler de mon expérience”.
2/ Evidemment tout cela ne fait que retarder une amélioration du trouble, de la qualité des vies des personnes ou de prises en charge adaptées.
3/ Ces phrases conduisent d’autant plus certaines à une relativisation si extrême de leur trouble qu’il devient hors de question de chercher de l’aide par sentiment de manquer de légitimité.
4/ En résulte encore une fois retard de diagnostic et de prise en charge (en particulier pr le mythe crise d’ado).
5/ Il peut y avoir une intériorisation de ces mythes ce qui est un mécanisme bien connu de réaction aux discriminations qui s’appelle l’auto-stigmatisation : “je me suis convaincu que c’était vrai et j’ai pensé que je ne pourrais jamais rien faire parce que “trop instable”, parce que j’ai peur de mettre qui que ce soit en danger, que mon trouble prend de toute façon trop de place pour que je puisse vivre très longtemps”.
6/ Il y a également une sur identification au trouble que l’on ressent dans ce témoignage : “l’impression que tous ces gens ont raison, que leurs préjugés/avis/mots/jugements me définissent et que je ne suis donc que mon trouble”.
C2 – Usage restreint
Slide Réponses
Alors comment se protéger de ces mythes ? Comment y répondre ?
1/ Déjà on notera qu’une part non négligeable de nos répondants s’en sent incapables.

Il peut s’agir de manque de répartie sur le moment, du fait d’être trop blessé pour répondre ou d’avoir des difficultés à expliquer le trouble et son vécu personnel. Cela conduit à un sentiment d’échec et d’incompréhension très difficile à vivre.

D’autres nous disent qu’il y a aussi besoin de déconstruire ces préjugés en soi avant de pouvoir le faire chez les autres. Et quand on sait l’image catastrophique de soi qu’ont souvent les borderlines, on peut mesurer la difficulté… Pour illustrer, on nous dit : “je trouve le trouble difficile donc l’expliquer en plus à quelqu’un qui a déjà des préjugés sur la santé mentale me paraît très compliqué ” ou, à la question : “est il possible d’y répondre ?” : “”Non, je ne crois pas, pour le coup c’est “l’idée reçue” qui prend le plus de place dans ma vie, ça me conditionne a annuler pleins de choses, a ne pas en envisager d’autres, j’ai de plus en plus l’impression que c’est vrai et que je ne suis capable de rien. Elle est trop conséquente pour que je me sente un jour capable de me défendre.”
2/ Il est à noter également que quand ce sont des psychiatres qui prononcent ces mots, cela peut être reçu comme un abus de pouvoir de leur part comme en témoignent : “C’est parce que t’es psychiatre reconnu dans le domaine que tu te permets d’affirmer ça” ou “Je ne me sentirai pas la force de répondre à un professionnel de santé qui m’écraserait de son savoir, et je ne sais pas même si cela changerait quoi que ce soi”. Dans ce dernier cas, il semble encore plus compliqué de pouvoir répondre…
3/ Mais pour une autre grosse part de nos répondants, la réponse semble résider dans la pédagogie et l’explication du trouble.

Cela est rendu possible par des années de psychoéducation sur le trouble qui deviennent des vraies compétences applicables auprès des proches : “”J’ai les connaissances maintenant qui me permettent d’argumenter, d’expliquer.”.

Cela ne se fait pas sans peur, sans énergie et sans une certaine dose de self control. D’autant que les réactions sont inégales en fonction des proches (l’une nous dit que les amis sont réceptifs à la pédagogie mais pas la famille). Dans l’idée, il s’agirait d’inviter à poser des questions sur le trouble ou les ressentis des personnes concernées.

Il importe de faire preuve de vulgarisation pour être accessible ce qui peut être un exercice complexe d’autant plus qu’il faut également être assez précis. Un exemple de vulgarisation d’une répondante : “”A la base , c’est une souffrance psychique non visible , insoutenable. Ils ne parviennent pas à la contrôler et par moments , ça déborde. Le temps qu’ils réussissent à se réassurer, les débordement émotionnels prennent le dessus. Pour ne pas être rejetés, ils utilisent en effet tous les moyens. Le rejet étant pour eux la pire des situations. Ce sont les seuls moyens pour eux de faire face à ce trouble. Les aider à revoir ces mécanismes de défense , à réguler leurs émotions, à se réassurer est , pour eux, la sortie vers un univers plus serin et plus porteur pour eux et pour “les autres”.”.
C2 – Usage restreint
4/ On nous précise enfin qu’il faut jauger la mesure de ce que la personne peut entendre. Enfin, certains préfèrent se concentrer sur l’explication des conséquences de la stigmatisation, comme le retard de soin par exemple.
5/ Dans la même veine, on nous dit qu’il est utile d’utiliser son propre vécu du trouble : de le personnaliser ainsi. Par exemple, témoigner de ses réussites permet de contrer les généralités (par ex. certains ont réussi à maintenir un emploi avec ce trouble). Souligner que l’autre ne voit que la surface permet d’attiser sa curiosité de découvrir un ressenti plus personnel et profond, loin des clichés : “Autant de situations différentes que de personnes porteurs de ces troubles… ” Plusieurs citations :

” qu’il prenne ma place une journée pour voir, qu’on ne peut se rendre compte de la violence du trouble qu’en le supportant au quotidien mais qu’en connaissance de cause on peut respecter au minimum le trouble et donc ne pas émettre de jugement vis à vis de celui -ci. ”

“aujourd’hui je répondrai : « je ne me cache pas derrière mon trouble , il existe , je le vis au quotidien et je ne vais pas faire comme si il n’existait pas pour plaire à la société , je vis avec les TPB et c’est ainsi”

d’un.e proche : “Aujourd’hui , j’ai compris. Leur “monde” est tellement envahi par l’émotion, la souffrance, la brulure, qu’il semble impossible de laisser une place à la pensée “rationnelle” sauf lorsque les choses s’apaisent, qu’ils se rassurent, que la souffrance, le trauma ne prennent plus toute la place. ”
6/ Certains proposent également de réagir avec affirmation de soi. Par exemple, pour l’accusation de manque de volonté : “j’ai surtout besoin de bienveillance quand je manque d’énergie”.
Ou plus généralement :

« il me faut plus de force et de courage pour vivre tel que je suis et assumer mon trouble qu’ils ne devront jamais en fournir dans toute leur vie. Et que ça, ça me rend bien plus importante que leur opinion”

“Une personne borderline est en souffrance et vit un combat permanent. C’est une battante”
Exprimer sa fierté d’être en vie et de continuer à se battre contre ce handicap invisible peut effectivement être une jolie manière d’envoyer valser les idées reçues !
7/ Il y a également une dernière voie de réponse qui consiste à simplement ignorer les remarques, car les explications prennent beaucoup d’énergies pour un résultat qui n’est pas toujours à la hauteur : “À l’heure d’aujourd’hui, je ne me battrai plus contre des personnes tenant des propos rabaissant ça ne me touche plus car j’ai compris comment j’agissais, pourquoi et dans quel but. J’ai fais énormément de chemin, je gère de mieux en mieux mon trouble, je l’accepte et m’accepte alors peu importe l’opinion des autres. Je sais qui je suis et les propos qui me définissent vraiment.” ou en plus condensé “je leur dirais d’aller se faire voir”.

 

Bibliographie

EN COURS D’ECRITURE